Guide essentiel sur l'impression 3D et la sécurité des aliments : réglementations, technologies, matériaux, etc.
L’impression 3D offre une liberté de conception inégalée pour produire des pièces personnalisées et des formes complexes ou organiques qui sont coûteuses ou impossibles à fabriquer en utilisant des méthodes de production conventionnelles.
Les avantages peuvent être convaincants pour un bon nombre d'applications liées à l'alimentation. Cependant, si les pièces imprimées sont destinées à un objet en contact avec les aliments, il vous faudra prendre en compte les pratiques et les réglementations de sécurité pour éviter d'utiliser des substances toxiques et prévenir le développement de bactéries dangereuses.
L'impression 3D d'objets répondant aux normes de sécurité alimentaires est possible, et le nombre des matériaux divers approuvés pour les fabriquer augmente, mais l'ambiguïté autour des processus de travail reste très importante, et il est parfois très difficile de trouver les réglementations en vigueur adaptées.
Cet article constitue une introduction aux éléments à prendre en compte pour l'impression 3D conformément aux normes de sécurité alimentaires. Il présente également diverses méthodes de fabrication de produits sans risque pour les aliments à partir des technologies actuelles d'impression 3D, notamment la stéréolithographie (SLA), le dépôt de fil fondu (FDM) et le frittage sélectif par laser (SLS).
Que signifie exactement la sécurité alimentaires ?
Pour commencer, il est important de clarifier quelques termes clés :
- De qualité alimentaire : signifie que le matériau est propre à la consommation humaine ou au contact avec les aliments.
- Sans danger pour les aliments : signifie qu'un matériau de qualité alimentaire satisfait les exigences déterminées par son usage prévu et ne génèrera pas de risques de sécurité sanitaire des aliments avec lesquels il sera en contact.
- Surface de contact alimentaire : désigne toute surface qui peut se trouver en contact direct avec les aliments. Ces surfaces doivent être constituées de matériaux non-toxiques et pouvoir supporter les conditions de l'usage auquel ils sont destinés, notamment l'exposition à des solutions de nettoyage, à des agents désinfectants et à des procédures de lavage.
Ces deux niveaux de sécurité des aliments sont en lien avec la migration, qui désigne une façon particulière d'ingérer des produits. De petites particules, dont la taille peut varier de quelques nanomètres à plusieurs centaines de nanomètres, peuvent être transférées d'un matériau à l'autre lorsqu'ils entrent en contact, passant par exemple d'un composant de l'imprimante 3D à l'objet imprimé, puis de l'objet à la nourriture.
Les niveaux de migration sont très faibles lors d'un contact occasionnel. C'est pourquoi la qualité alimentaire est généralement requise pour des objets qui sont en contact prolongé avec les aliments, comme les récipients, les pailles, les couverts, les assiettes ou les moules alimentaires. Différentes institutions en charge des essais vont se conformer aux seuils de tolérance de risque imposés et aux substances autorisées par différentes agences gouvernementales. Pour les États-Unis, elles sont décrites dans la norme 21 CFR de la FDA et pour l'UE, dans les directives 10/2011.
Recherchez les étiquettes indiquant les autorisations FDA et UE. Notez bien qu'un matériau « conforme à » ne signifie pas qu'il est explicitement autorisé par ces institutions. Vérifiez bien l'existence d'un certificat sur les fiches techniques.
Pour être considéré comme sans danger pour les aliments par le Code alimentaire de la FDA, un matériau doit satisfaire les exigences suivantes :
- Aucune migration de substances nocives
- Ne pas transmettre les couleurs, les odeurs ni les goûts
- Être sans danger dans les conditions normales d'utilisation
- Être durable, résistant à la corrosion et non absorbant
- Présenter un poids suffisant pour résister à des lavages répétés
- Avoir subi une finition garantissant une surface lisse au nettoyage facile et ne présentant pas de coupures ni d'aspérités internes
- Résister à la perforation, au déchiquetage, au fendillement, aux éraflures, aux entailles, à la déformation et à la décomposition
- Être accessible à l'inspection
Les autorisations de la FDA ou de l'UE concernent non seulement le polymère brut mais aussi les additifs et les mélanges-maitres de pigments. Ces derniers peuvent contenir des composants comme des plastifiants, des modificateurs de résistance aux chocs et de déformation à la chaleur, des retardateurs de flamme, des agents anti-encrassement, antistatiques, antidérapants, d'expansion ou de clarification, des antioxydants, des agents de nucléation aromatique, des alliages de carbone, des agents phosphorescents, de charge ou épaississants, des extenseurs de chaine, des désactivateurs de métaux, des colorants et une résine de base.
Généralités sur la sécurité des aliments et l'impression 3D
Développement de bactéries
Une pièce imprimée en 3D peut en quelques semaines devenir une véritable boite de Petri, grouillante de bactéries. Certains matériaux résistent au lave-vaisselle, mais certaines bactéries telles que E. Coli et les salmonelles, qui se cachent dans les petits coins et recoins, vont survivre. Certaines moisissures toxiques trouvent des conditions favorables à leur croissance à la surface de certains types de plastique et il est difficile de s'en débarrasser. Ni le lavage à l'eau de Javel, ni le passage au four micro-ondes ne sont des solutions pour l'élimination de ces germes sur ces polymères.
Le développement de bactéries peut ne pas être un problème pour des objets jetables, mais si vous cherchez à en fabriquer un qui doit durer longtemps, il est vivement recommandé d'appliquer un revêtement assurant la sécurité des aliments.
Revêtements et produits d'étanchéité pour la sécurité des aliments
La meilleure solution pour réduire le risque de migration des particules et de développement de bactéries est d'enduire par trempage la surface des objets imprimés en 3D d'un revêtement épais d'époxy ou de résine polyuréthane de qualité alimentaire, telle que l'EP42HT-2FG de Masterbond ou ArtResin, ou encore un Teflon® (PTFE) autorisé par la FDA.
Il faut cependant noter qu'un revêtement ne garantit pas la sécurité des aliments pour un usage prolongé, les revêtements ne sont pas tous résistants au lavage en machine. Ils peuvent se dégrader au cours du temps et exposer la surface originale, avec ses risques potentiels de sécurité.
Sécurité relative au lavage en machine
La plupart des matériaux d'impression 3D ont une température de fléchissement sous charge (TFC) faible, ce qui signifie que les pièces imprimées peuvent devenir friables et se casser, ou encore se déformer et se tordre à température élevée. Si vous prévoyez un lavage en machine d'un objet imprimé, assurez-vous de bien vérifier que le matériau supporte le lavage en machine et qu'il n'y a pas de recommandations particulières relatives à la température du lavage.
Équipements et sécurité des aliments
Comme des particules peuvent migrer de composants d'une imprimante 3D vers les pièces imprimées, il est essentiel que tout composant qui peut entrer en contact avec le matériau d'impression ou la pièce soit de qualité alimentaire, et qu'il ne contienne ni ne libère de produits chimiques nocifs.
Cela implique de prendre des précautions lorsqu'on utilise divers matériaux. Des matériaux utilisés précédemment peuvent avoir contenu des particules toxiques et touché certains composants de l'imprimante 3D.
Sécurité des aliments et matériaux d'impression 3D
De nombreux matériaux d'impression 3D ne présentent pas le niveau de sécurité exigé pour les aliments et peuvent contenir des produits chimiques toxiques. Pour imprimer les pièces destinées au contact alimentaire, n'utilisez que des matériaux qui ont été certifiés sans danger pour les aliments.
Durée du contact avec les aliments
Comme il était prévisible, le risque de migration augmente avec la durée d'exposition de la nourriture à la pièce imprimée en 3D. En général, il faut essayer de limiter la durée de ce contact et prendre des précautions pour des objets qui seront plus longtemps en contact avec la nourriture.
L'impression 3D pour fabriquer des objets en contact avec les aliments
Pensez aux raisons pour lesquelles vous souhaiteriez utiliser l'impression 3D pour fabriquer un objet qui sera en contact avec des aliments. S'il s'agit de formes sur mesure, dans la plupart des cas, il existe des façons d'utiliser indirectement l'impression 3D pour les fabriquer, le moulage par exemple. Vous en trouverez un exemple au paragraphe suivant.
Sécurité des aliments et impression 3D stéréolithographique (SLA)
L'impression 3D SLA utilise un laser pour transformer de la résine liquide en un plastique dur par photopolymérisation. Elle permet de fabriquer de pièces présentant l'exactitude et la résolution les plus élevées, les détails les plus fins et la finition de surface la plus lisse de tous les procédés d'impression 3D.
La résine est-elle sans danger pour les aliments ? La réponse est non.
Des substances peuvent migrer de pièces imprimées par stéréolithographie : aucune résine ni pièce imprimée n'assurent la sécurité des aliments par défaut. Certaines résines prévues pour des applications médicales ou dentaires sont certifiées biocompatibles, mais cela ne veut pas dire qu'elles sont sans danger pour les aliments. Ces matériaux sont certifiées pour des applications spécifiques et ne doivent pas être utilisés pour des objets en contact avec les aliments.
Les pièces imprimées par SLA présente une finition de surface lisse qui facilite leur revêtement pour rendre leur surface étanche et prévenir le développement de bactéries. Les facteurs qui influent sur cette finition sont notamment le type de résine, l'épaisseur de couche, l'orientation de la fabrication, la résolution de triangulation des mailles du modèle 3D, et le profil de polymérisation de la résine SLA employée. Avant de procéder au dépôt de revêtement, les pièces requièrent un lavage et une post-polymérisation. Il faut cependant noter qu'un revêtement ne garantit pas la sécurité des aliments, les revêtements pouvant interagir avec la résine ou se dégrader au cours du temps, exposant la surface originale, avec ses risques potentiels de sécurité.
Moules
La réalisation de moules sur mesure est une façon courante de profiter des avantages de l'impression 3D SLA pour fabriquer des pièces sur mesure et à haut niveau de détail, sans qu'elles aient à entrer en contact direct avec les aliments. Des moules imprimés en 3D SLA peuvent être impropres au moulage direct de denrées alimentaires. Mais les imprimantes 3D excellent à fabriquer les négatifs de moules qui seront ensuite fabriqués sous vide avec une matière plastique sans danger pour les aliments.
Les outils et les techniques de fabrication par impression 3D de moules alimentaires sont faciles à maîtriser et les résultats sont souvent impressionnants.
Galvanoplastie
Ce procédé permet de recouvrir des pièces avec du métal grâce à un courant électrique. Il est surtout utilisé à des fins de décoration ou pour prévenir la corrosion et rendre la surface plus durable.
Les pièces fabriquées par SLA se prêtent parfaitement à la galvanoplastie en raison de leur finition de surface lisse. Cependant, comme les matières plastiques ne conduisent pas l'électricité, il faut rendre les pièces conductrices en les recouvrant de graphite, d'une laque conductrice, d'une plaque conductrice ou en les vaporisant avec un revêtement.
Il existe des revêtements métalliques sans danger pour les aliments, mais comme ce procédé utilise différents produits chimiques, il relève donc de la responsabilité du développeur de s'assurer que le processus de travail est bien sans danger pour les aliments.
Céramique
L'impression 3D SLA est la seule qui permette de produire des pièces en céramique. Les pièces ainsi imprimées passent ensuite dans un four pour brûler la résine et se transformer en véritable céramique, un matériau solide et résistant à la chaleur. Avec application d'une glaçure sans danger pour les aliments, les objets sont plus hygiéniques et résistent à la plupart des produits chimiques.
Diverses glaçures existent sur le marché, mais assurez-vous de suivre les instructions du fabricant conformément aux directives concernant la sécurité des aliments.
Sécurité des aliments et impression 3D par dépôt de filament fondu (FDM)
Les imprimantes 3D FDM fabriquent les pièces en extrudant un filament thermoplastique fondu, qu'une buse dépose couche par couche sur la zone de fabrication.
Le matériau extrudé est de section circulaire, ce qui crée des micro-crevasses entre les couches, dont la profondeur est directement proportionnelle à l'épaisseur de la couche. Dans tous les cas, il est recommandé d'imprimer avec la plus faible épaisseur possible pour réaliser des pièces ne présentant pas de risques pour les aliments.
Le plus grand défi en imprimant en FDM est d'éviter le développement de bactéries. Pour être véritablement sans danger à long terme, un objet imprimé en 3D par FDM doit présenter une surface lisse. De nombreuses irrégularités sont lissées en utilisant des solvants comme l'acétone, le d-limonène ou l'acétate d'éthyle qui donnent à la surface un aspect lisse et brillant. Il est néanmoins vivement recommandé de recouvrir la surface d'un revêtement sans danger pour les aliments.
Les filaments de qualité alimentaire ne contiennent aucune particule de composites. Ils n'usent donc pas la buse et évitent des transferts de substances à la pièce. Néanmoins, il vaut mieux remplacer les buses en cuivre qui contiennent du plomb par des buses en acier inoxydable, lorsque les objets imprimés sont destinés au contact alimentaire.
Il faut toujours vérifier la compatibilité des composants de votre imprimante 3D avec le filament. Le PEI (polyétherimide) par exemple est un matériau conforme selon la FDA, qui présente de nombreux avantages au niveau mécanique, mais qui requiert un traitement à plus de 300 °C et donc une imprimante spéciale.
Matériaux FDM sans danger pour les aliments
Les questions les plus courantes sur la sécurité des aliments avec des objets fabriqués en FDM, concernent deux matériaux très utilisés. Le PLA est-il sans danger pour les aliments ? L'ABS est-il sans danger pour les aliments ? La réponse est « cela dépend ».
Parmi les matériaux de filaments d'impression 3D reconnus sans danger pour les aliments, on peut citer:
- PLA (acide polylactique)
- PP (polypropylène)
- copolyester
- PET (polyéthylène téréphtalate)
- PET-G (PET et glycol)
- polystyrène HIPS
- nylon-6
ainsi que certaines marques
- ABS / ASA
- PEI (polyétherimide).
Si les objets imprimés doivent subir des lavages en machine, le PET, le nylon et le PLA doivent être écartés parce qu'ils ramollissent et se déforment autour de 60 à 70 °C. Lorsque des liquides chauds sont concernés, les matériaux les mieux adaptés sont le PLA ou le PEI haute température.
Bien que les réglementations n'y font pas allusion, certaines études suspectent que le polystyrène peut libérer des styrènes, que les copolyesters peuvent avoir des effets négatifs sur la santé, ou encore que les filaments dits sans danger pour les aliments peuvent perdre ce statut du fait de l'oxydation et de la dégradation thermique qu'ils subissent pendant l'impression.
Sécurité des aliments et impression 3D par frittage sélectif par laser (SLS)
Les imprimantes 3D SLS utilisent un laser de forte puissance pour fondre de petites particules de poudre de polymère. Le matériau le plus utilisé en SLS est le nylon, thermoplastique courant en ingénierie, dont les propriétés mécaniques sont excellentes.
Bien que certaines poudres SLS sont reconnues sans danger pour les aliments, il arrive que des particules en surface des pièces ne fondent pas complètement à l'impression, ce qui la rend poreuse et favorise l'humidité et le développement de moisissure. Même si la poudre de nylon 12 peut être nettoyée à la vapeur en autoclave, il vaut mieux recouvrir les pièces imprimées de revêtements sans danger pour les aliments qui rendent leurs surfaces étanches.
La teinture est une étape de traitement courant après impression par SLS. Mais il faut noter que la teinture d'une pièce fabriquée en SLS peut migrer dans la pièce et compromettre la sécurité des aliments.
Conclusion et lectures complémentaires
La question de la sécurité des aliments avec des pièces fabriquées par impression 3D n'est pas un sujet simple à laquelle une réponse par oui ou par non peut être clairement donnée. La production d'objets aptes au contact alimentaire requiert une étude minutieuse des risques en fonction de leurs usages.
Pour approfondir ces sujets, nous recommandons la lecture des documents suivants :
- Norme 21 CFR de la FDA
- Directives de l'UE 10/2011
- Risk Assessment of 3D Printers and 3D Printed Products
- The Tricky Business of Choosing Plastic for Food Contact Applications